A l’occasion d’une visite de la ministre anglaise de l’Intérieur, Priti Patel à Rwanda, Londres et Kigali ont signé un accord controversé pour l’accueil sur le sol rwandais des migrants et demandeurs d’asile de diverses nationalités acheminés du Royaume-Uni. Cette décision quoiqu’un accord entre deux Etats a reçu l’opposition de certaines institutions telles que le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR)
Le Royaume-Uni a annoncé, jeudi 14 avril, un projet controversé d’envoyer au Rwanda les demandeurs d’asiles arrivés illégalement sur son territoire et confié la surveillance de la Manche à la Royal Navy. Espérant ainsi dissuader les traversées de migrants clandestins qui ne cessent d’augmenter. En effet, le nombre de traversées illégales a triplé depuis 2021 et continue d’augmenter dans le royaume alors que le premier ministre Boris Johnson avait promis de contrôler le phénomène. D’après ses propos lors d’un discours dans un aéroport du Kent (sud-est de l’Angleterre), il déclare : « À partir d’aujourd’hui (…), toute personne entrant illégalement au Royaume-Uni ainsi que ceux qui sont arrivés illégalement depuis le 1er janvier pourront désormais être relocalisés au Rwanda ».
De plus, il ajoute que le Rwanda pourra accueillir « des dizaines de milliers de personnes dans les années à venir ». Pour l’homme, ce pays d’Afrique de l’Est est « l’un des pays les plus sûrs au monde, mondialement reconnu pour son bilan d’accueil et d’intégration des migrants ». Ainsi, en envoyant des demandeurs d’asile à plus de 6 000 km du Royaume-Uni, le gouvernement compte décourager les candidats au départ vers le Royaume-Uni, toujours plus nombreux. 28 500 personnes en 2021, contre 8 466 en 2020 comparativement à 299 en 2018, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur.
Un accord qui suscite de vives polémiques
Beaucoup de critiques ont jailli de par le monde pour s’opposer à un tel accord. Néanmoins les deux pays restent intransigeants sur leur décision. Pour l’heure, aucune précision n’est donnée sur les critères de sélection des migrants qui seront envoyés au Rwanda. L’ONU qui s’est dit vivement opposé à cet accord, estime que des projets similaires mis en place par exemple en Israël n’avaient pas donné de bons résultats.
Amnesty International a à son tour critiqué et qualifié l’accord d’« idée scandaleusement mal conçue » qui selon lui « fera souffrir tout en gaspillant d’énormes sommes d’argent public ». Il n’a pas aussi manqué de souligner le « bilan lamentable en matière de droits humains » de la nation africaine.
Dans cette même optique, Tim Naor Hilton, directeur général de Refugee Action a exprimé toute sa désapprobation qualifiant l’accord de « manière lâche, barbare et inhumaine de traiter les personnes fuyant la persécution et la guerre ». Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a fait également part de sa forte opposition au projet britannique. « Les personnes fuyant la guerre, les conflits et les persécutions méritent compassion et empathie. Elles ne devraient pas être échangées comme des marchandises et transférées à l’étranger pour voir leur dossiers traités », a déclaré le HCR dans un communiqué.
Même ce dimanche, les leaders spirituels de l’Église anglicane se sont pris à ce projet. L’archevêque de Canterbury a estimé dans son sermon de Pâques qu’envoyer les demandeurs d’asile à l’étranger pose de « graves questions d’éthiques ».
Pourtant, en vertu de l’accord annoncé jeudi, Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres sterling (144 millions d’euros). Le gouvernement rwandais quant à lui a précisé qu’il proposerait aux personnes qui seront accueillies la possibilité « de s’installer de manière permanente au Rwanda » si elles le souhaitent.