Le Gabon et le Togo, deux pays colonisés par la France et qui n’ont aucun lien historique avec le Royaume-Uni, ont rejoint le Commonwealth, une organisation purement composée de pays anglophones. Cette adhésion remet en cause les relations entre la France et ses anciennes colonies et impose une réflexion sur la francophonie et les opportunités que confère celle-ci à ses pays colonisés.
L’organisation dirigée par la reine Elisabeth II, qui regroupe 54 nations pour la plupart d’anciennes colonies britanniques, a accepté la demande d’adhésion du Togo et du Gabon au terme du sommet de ses dirigeants au Rwanda le 24 juin dernier.
L’ingérence française contestée en Afrique
Cet acte d’adhésion est un message fort donné à la France, dont la politique n’est plus forcément du goût de ses anciennes colonies. En effet, dans certains pays d’Afrique, un sentiment anti-français s’exprime, dénonçant l’ingérence de l’hexagone dans les politiques intérieures de ses ex-colonies.
Les manifestations du samedi 14 mai dernier au Tchad sont des preuves vivantes que les populations africaines se lassent de la politique française sur le continent. Au Mali, la situation est encore pire où neuf ans après le déploiement de l’opération Serval en 2013, devenue Barkhane en 2014, la présence française au Mali est fortement compromise et contestée. Ces derniers mois, la relation France-Mali s’est tellement dégradée au point où Paris est devenu le bouc émissaire de Bamako. Au Burkina, les manifestations anti-françaises ont également eu lieu vers la fin de l’année dernière et continué jusqu’au début de cette année où plusieurs milliers de personnes manifestent à Kaya, chef-lieu de la région du Centre-nord du Burkina Faso. Les populations se sont opposés au passage d’un important convoi logistique de l’armée française en transit vers le Niger voisin et réclament le départ des troupes françaises du Burkina. C’est un sentiment qui gagne du terrain, surtout au niveau du sahel.
Le dynamisme du Commonwealth
Intégrer le Commonwealth, cette communauté anglophone de 2,5 milliards d’habitants permet d’attirer de nouveaux investisseurs. De plus, la langue anglaise est la langue des affaires et l’espace anglophone est beaucoup plus dynamique sur le plan économique que la francophonie. Le modèle du Rwanda, qui a connu un bel essor économique depuis son adhésion au Commonwealth en 2009, est à titre illustratif. D’ailleurs, à la cérémonie d’adhésion, le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, a déclaré que l’adhésion au Commonwealth, avec ses 2,5 milliards de consommateurs, « l’aiderait à développer des liens plus étroits avec les pays anglophones, lui ouvrant ainsi de nouveaux horizons en dehors de la sphère d’influence de la France en Afrique occidentale. » Et au dirigeant gabonais d’ajouter que « Soixante-deux ans après son indépendance, notre pays se prépare à percer avec un nouveau chapitre. C’est un monde d’opportunités pour le Gabon sur les plans économique, diplomatique et culturel ».
La dépendance monétaire de l’Afrique noire francophone
Plus d’un demi-siècle après l’indépendance, la dépendance monétaire des pays de l’Afrique noire francophone alimente encore les débats et refait régulièrement surface. Alors que dans les pays colonisés par la Grande-Bretagne comme le Nigéria, le Ghana par exemple, les échanges commerciaux se font grâce à des devises nationales. Les anciennes colonies africaines, surtout celles en Afrique noire francophone souffrent toujours de profondes séquelles causées, entre autres, par la dépendance de leurs échanges de l’Hexagone et l’arrimage de leur monnaie au trésor français, via le mécanisme CFA. Une telle situation ne peut permettre un réel décollage des économies concernées. Par conséquent, la question monétaire apparait clairement comme un frein pour le développement des échanges. Tant que les anciennes colonies ne se libèreront pas du FCFA, leurs économies en partiront.
Par ailleurs, le Togo, l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, en adhérant au Commonwealth fait le choix d’ouvrir le champ et de sortir de son stagnation. Car, environ la moitié de la population urbaine togolaise vit dans des bidonvilles, avec environ moins de 1,90 $ par jour. L’espérance de vie dans le pays n’est que de 60,5 ans, soit près de 12 ans de moins que la moyenne mondiale. Le Gabon quant à lui, a longtemps constitué un pays clé pour la France sur le continent. Mais aujourd’hui, l’influence de l’hexagone n’est plus la même que par le passé, car désormais, le premier partenaire du Gabon, ce n’est plus la France, mais plutôt la Chine.
L’Afrique, avec dix-neuf membres, forme le plus gros contingent des pays du Commonwealth. Le Rwanda y a adhéré en 2009 et en est le 54e membre. Avec l’adhésion du Togo et du Gabon, l’organisation compte aujourd’hui 56 pays membres.