Le Maroc est un pays où en 10 ans, la production de miel a bondi de 69 %. Selon le ministère de l’Agriculture, entre 2009 et 2019, le pays est passé de 4,7 tonnes à près de 8 tonnes avec environ 101 millions d’euros de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, ce secteur de taille dans l’économie du royaume est en difficulté d’essor voire même en voie de disparition à cause de la sécheresse accrue et des changements climatiques.
Au pied du monumental rucher d’Inzerki, dans le sud-ouest du Maroc, le bourdonnement des abeilles se fait de plus en plus rare. Ce silence anormal est le résultat des catastrophes écologiques qui semblent peu à peu enterrer le secteur.
Un phénomène alarmant
« A cette période de l’année, l’espace est censé être empli du bourdonnement des abeilles. Aujourd’hui, elles meurent à un rythme vertigineux », déplore auprès de l’AFP l’apiculteur Brahim Chatoui en inspectant ses essaims sous un soleil de plomb. En effet, dans l’intervalle de deux mois, l’apiculteur a perdu 40 de ses 90 ruches disposées dans le géant abeiller d’Inzerki, au cœur de la réserve de biosphère de l’Arganeraie. C’est un phénomène observé sur le plan national qui probablement serait dû selon les experts à la grande sécheresse et au changement climatique très remarquable.
Pour M. Brahim Chatoui, il n’est normalement pas question que l’abeiller d’Inzerki soit aussi dépouillé. Il affirme que « La ruche d’Inzerki est la plus grande et la plus ancienne ruche collective du monde. Son emplacement est cent pour cent stratégique et elle est baignée de soleil toute la journée. Elle est située au milieu de la forêt, et comme les abeilles sont à côté de la forêt, le rendement est meilleur ».
Ainsi, le fait que le phénomène ait dangereusement affecté la ruche d’Inzerki, est une véritable inquiétude pour les exploitants et pour les gouvernants. Vu les dégâts, de nombreux apiculteurs ont simplement abandonné le secteur. D’autres régions de production, ont également été touchées. Selon Mohamed Choudani, de l’Union des apiculteurs du Maroc (UAM), les pertes sont considérables au centre, dans la région de Béni Mellal-Khénifra. Elles sont estimées à 100 000 ruches depuis le mois d’août.
Un patrimoine en dégradation
Au-delà de la production du miel, la ruche d’Inzerki est un patrimoine datant de 1850 qu’il faut préserver et transmettre aux générations à venir. Cette construction est une œuvre d’art qui de loin, frappe à l’œil par sa structure à la fois simple et complexe. Elle est construite en terre et en bois sur cinq niveaux compartimentés en cases à dimension égale. A l’intérieur des cases sont disposées les ruches cylindriques en roseaux tressés, enveloppées de terre mélangée à de la bouse de vache. Mais il suffit d’approcher pour constater l’étendue du délabrement. Des parties de l’abeiller s’affaissent. Cette allure de la dégradation fait craindre le pire.
Les gouvernants à la rescousse des apiculteurs
Vu l’ampleur de la situation, le gouvernement a débloqué 130 millions de dirhams soit plus de 12 millions d’euros (pas encore déployé) pour aider les apiculteurs à faire face aux difficultés de production et de disparition des abeilles. En plus, l’Etat a lancé une vaste enquête sur la catastrophe. « Cette désertion des ruches est un phénomène inédit au Maroc », constate l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (Onssa). Il est donc urgent de multiplier les actions pour sauver ce secteur, une des bases économique et patrimoniale du royaume.