L’Afrique a longtemps été considérée comme un continent sans histoire du fait qu’elle ne possède pas une écriture de renommée. Cependant les manuscrits de Tombouctou sont une des preuves vivantes de ce que l’Afrique n’est pas seulement un continent à tradition orale mais un véritable gisement d’écriture. A voir l’importance de ces trésors, les abandonner au pillage et à la dégradation, sera pour l’Afrique et pour le Mali, une bavure impardonnable.
« Les manuscrits sont nos diplômes, nos cartes d’identité, nos témoins à travers le monde entier » déclare Bassam Daghestani dans une grande envolée lyrique. Il est important que ces témoins vivants de la civilisation africaine soient sauvegardés et mis en sécurité. Ces documents sont un ensemble plus anciens connus dans le monde afro-musulman. Ils portent l’emblème des cerveaux intellectuels africains. En effet, ils constituent l’ensemble de copies d’ouvrages plus anciens, de même que des productions locales originales. Pour la plupart, ce sont des documents datant de la période allant du XVIIe au XIXe siècle. Conservés depuis des siècles dans la ville de Tombouctou, ville des 33 saints, ils sont écrits par des savants originaires de l’ancien empire du Mali dans les langues arabes peulh et certains en Haoussa. Ces textes authentiques parlent d’histoire, d’astronomie, de musique, de botanique, de généalogie, d’anatomie… Autant de domaines généralement méprisés, voire considérés comme “impies”.
L’urgence de la conservation
En avril 2012, pendant que les rebelles Touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad alliés au mouvement Ansar Dine et à l’organisation terroriste islamiste Al-Qaïda au Maghreb islamique sévissaient dans la ville savante, les précieux patrimoines ont été clandestinement évacués vers la capitale Bamako. En effet, cette opération a été effective grâce aux volontaires Abdelkader Haidara et Stéphanie Diakité. Ainsi, des milliers de manuscrits ont été sauvés du pillage et de la destruction.
Le 16 décembre 2021 au mémorial Modibo Keita, un atelier, organisé par le ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme s’est prononcé sur la question. Il s’agissait spécialement d’examiner judicieusement les documents issus de la réflexion collective sur les questions relatives à la préservation, l’accessibilité, l’exploitation et la valorisation des manuscrits anciens du Mali. Ceci avec le soutien financier de l’Union Européenne, de la coopération Espagnole et de l’Unesco. Au détour de cet atelier, le chef du bureau de l’Unesco à Bamako, Edmond Moukala, a reconnu que les manuscrits maliens font face à beaucoup de difficultés et que l’issue de cet atelier sera bénéfique pour leur conservation et leur gestion.
Numérisation et archivage à Bamako, une solution
Plus de 40.000 manuscrits de la bibliothèque de Tombouctou, séjournent depuis des années à Bamako. La plupart sont déjà numérisés. Les conservateurs ne pensent pas uniquement à la conservation mais aussi à ce que les apprenants de tous les pays découvrent la richesse de la culture africaine. Pour Mohamed Diaghayaté, directeur de l’Institut Ahmed Baba, les acteurs éducatifs et culturels ont tiré beaucoup de leçon du saccage de Tombouctou : « Ça nous a permis de loger tous les manuscrits dans les boîtes pour les conserver et aussi nous en avons tiré une leçon. Il faut avoir une copie numérisée de tous ces manuscrits. Effectivement, tous ceux qui sont à Bamako aujourd’hui sont numérisés même si quelquefois, nous pensons qu’il faut améliorer la qualité de cette numérisation » .
Toutefois, il faut reconnaître que malgré les efforts déjà consentis, il reste beaucoup à faire. L’Afrique a toujours souffert d’inexistence de véritables écrits authentiques. Il serait alors judicieux qu’un combat soit engagé pour la sauvegarde de ces quelques rares écrits, patrimoine de notre continent.