En Afrique, le pagne représente le frontispice du mode vestimentaire. Au-delà des habitudes, c’est une tradition et même pour certaines catégories de personnes, une obligation. Cependant, avec la mondialisation, cette habitude semble disparaître dans nos sociétés contemporaines.
Au 21è siècle, nouer un pagne devient un véritable souci pour les femmes. Certes chaque génération vit selon les réalités de son temps et les commodités qui vont avec mais cela peut-il expliquer pour autant le fait de tourner dos à ces racines ? Le pagne est un vêtement léger porté dans les pays chauds. Il est fait d’une pièce de tissu, de cuir, de plume ou de matière végétale. Il est porteur d’une identité et même d’un message en fonction de la manière dont il est noué.
Portées sociologiques des pagnes
Autant on reconnait le français par son costume, autant l’africain et surtout la femme noire s’identifie par son pagne. En effet, dans les sociétés africaines, il y a plusieurs manières de nouer les pagnes. Et chaque pagne selon ses couleurs, la manière dont il est noué transmet sur le champ un message. Voilà pourquoi il est dit que le pagne en Afrique parle. Il est porteur d’un message. Pour preuve, piétiner sciemment le pagne d’une femme au vu et au su de tout le monde est un acte de mépris et donc de déclaration de guerre.
En outre, la femme âgée qui menace de défaire son pagne en public lors d’une dispute condamne son public à la malédiction. En Afrique, quand on porte un pagne déchiré, cela signifie une déchéance physique, matérielle ou psychologique. Lorsqu’en pleine journée, une femme jette son pagne, c’est synonyme de surmenage ou de folie. Par contre, quand un homme arrache un des pagnes ou un foulard d’une fille, ceci est un signe d’amour pour cette dernière.
Autrefois, quand on rencontre une femme qui a noué deux pagnes, l’un sur l’autre, le message est clair : c’est une femme mariée. Alors que lorsqu’une fille porte un seul pagne, elle ne l’est pas encore. Tout ceci explique la sacralité des pagnes dans la culture des noirs.
Du côté des hommes, quand on entre dans une concession, l’homme de la maison est reconnaissable par le pagne qu’il noue autour de la hanche avec un gros nœud. Le pagne traduit la vie de celui où de celle qui le porte. Pour les cérémonies de mariage coutumier, les pagnes représentent une moitié de la dot. De plus, le pagne tissé est propre aux chefferies traditionnelles. Ainsi, le pagne royal est souvent taché de desseins et même illustre l’ordre mystique et le pouvoir des rois. Ce qui explique le fait que le pagne royal ne s’achète pas au marché, mais est souvent confectionné par le tisserand du roi lui-même.
Même à la naissance d’un nouveau-né, il est accueilli dans un pagne, il est porté au dos grâce à un pagne et il grandit le pagne au cou. Dans les temps anciens, la fortune d’une femme, c’est d’abord le nombre de pagne qu’elle possède dans sa chambre. Et bien plus, la qualité de ces derniers.
Les retombés de la mondialisation
Aujourd’hui, nous parlons de mondialisation ou encore de globalisation. Un phénomène qui, à petit feu emporte bon nombre de nos traditions et de nos croyances. Les Sociologues parleront de mutation sociale mais à quelle fin ? Au prix de la disparition totale de nos mœurs certainement. Les pagnes sont aujourd’hui remplacés par les pantalons, les jupes et les robes. Du côté masculin, c’est compréhensible mais il est inconcevable de représenter la femme africaine sans pagnes.
Pauline Tagbé, 22 ans affirme :<< Avec les pantalons, on a moins de difficulté à marcher. On se passe des ajustements routiniers quand on marche…>> C’est moins fréquent de voir des filles ou des femmes nouées des pagnes dans les rues de Cotonou. Culturellement, on ne sait plus qui est marié et qui ne l’est pas. << J’ai deux pagnes dans ma valise… Je préfère les pantalons, les tenues françaises. Avec ces tenues, je me sens à l’aise au travail>> a déclaré Sophie Edah(30ans).
Tout ceci en général a pour maître mot la colonisation française. Elle a détourné les africains de leur culture en leur imposant une nouvelle. Dans l’ordre des causes, il y a aussi, l’arrivage de nouvelles modes vestimentaires. L’imposition des tenues de service dans certaines administrations. L’explosion du christianisme et de l’islam qui a désacralisé les mythes bâtis autour des pagnes.
Dangers de l’acculturation et perspectives
L’Afrique tend vers une nouvelle forme de colonisation. Une réforme vestimentaire au profil des européens et des américains se pointe à l’horizon. Même dans les zones très reculées du continent, peu sont ceux-là qui reconnaissent encore la valeur des pagnes. Les jeunes africains préfèrent s’habiller en pantalons destroys, toute chose qui ne met pas en valeur notre culture. Ainsi, les générations à venir risquent de ne rien savoir du tout sur l’importance des pagnes.
Par ailleurs, il faudra penser à promouvoir le port des pagnes. Car une partie importante de la culture africaine se meurt. Après tout, ne dit-on pas souvent <<La culture sans ma culture m’acculture>> ?