En quoi le vodùn peut-il contribuer au développement du Bénin ? Cette interrogation a fait objet de réflexions au cours du colloque scientifique international 10 janvier, et après ? tenu au Bénin du 19 au 21 janvier 2022.
Et si le vodùn, diabolisé, n’est que porteur d’identité culturelle et de développement au Bénin ? C’est l’une des problématiques abordées au cours du colloque scientifique international 10 Janvier, et après ayant pour thème, le vodùn dans un monde en mutation : De la prétention cartésienne à la rationalité mantique. Un premier grand rendez-vous sur la pensée du vodùn qui réunit les scientifiques avec les garants de la tradition béninoise eux-mêmes. En effet, les clichés générés par la civilisation ont implémenté chez les béninois, un rejet omniprésent du Vodùn, patrimoine culturel exclusif de leur pays. Autrement dit, seulement la prononciation de ce nom provoque chez nombres de béninois une certaine crainte et un certain mépris.
Ainsi, l’essence du vodùn a été dénaturé et mal perçue, ceci, expressément à tort. Malheureusement le Bénin, pays vodùn, se retrouve aujourd’hui face au défi du développement prôné par la prétention cartésienne. Mais peut-être que ce pays pourrait se servir de ce vodùn pour se développer. Le « développement », tel que pensé par les occidentaux, profite-t-il forcément les béninois ?
La culture, base du développement

« On ne peut se développer que dans sa culture » a affirmé Majesté Djomanmousso, ministre chargé de la promotion des valeurs culturelles et endogènes au palais royal d’Agonlin, au terme des assises du colloque. En effet, la culture comporte une valeur intrinsèque qui, lorsqu’elle est renforcée et valorisée au niveau de l’individu et de la communauté, contribue à l’épanouissement personnel, au développement humain intégral, à la structuration de la société et à la cohésion sociale. Ainsi, la culture se révèle comme le socle même du développement.
Cependant, comment le Bénin peut-il se développer si le concept, tel que prôné par les Occidentaux, occulte une partie de l’identité béninoise ? A propos, Dr BALLO-GUEDE Fidèle, enseignant à l’université d’Abomey-Calavi et communicateur sur le sujet a affirmé que le vodùn n’est pas sorti du néant et qu’il relève de l’originalité de la culture béninoise. Il en résulte alors une relation d’interdépendance entre le vodùn et le développement du Bénin. En d’autres termes, le Bénin ne peut jamais « se développer » sans une valorisation de son patrimoine, donc du vodùn. Nonobstant, comment le vodùn peut-il contribuer à développer le Bénin ?
Vodùn, facteur de développement du Bénin
Très tôt avec l’avènement de la colonisation, le blanc a fait croire que c’est le catholicisme qui est la seule voie à suivre. Une telle conception exclut le vodùn des critères de développement, puisque faisant partie intégrante de la culture béninoise. Pourtant, ce vodùn, rejeté, peut être un levier de construction de l’identité culturelle et du développement au Bénin. « A travers le colloque, nous voulons rétablir la vérité des faits pour dire aux béninois que depuis longtemps, ils étaient développés grâce au vodùn ». C’est à partir du vodùn que nos ancêtres ont construit les systèmes sociaux, les économies, organisé les activités productives, leur vie en communauté avant l’avènement de la « civilisation » qui a amené le développement » s’est empressé d’exprimer clairement Dr Raymond Assogba, Sociologue-Anthropologue-Boologue et organisateur dudit colloque.
Valeurs endogènes

Aujourd’hui encore, avec le vodùn, le Bénin est capable de faire des inventions. Son intervention dans le domaine de la santé n’est plus à démontrer. D’ailleurs c’est grâce à ce dernier que les chefs traditionnels guérissent beaucoup de maladies. Dr Assogba l’affirme en ces termes : « Nous-mêmes, on peut fabriquer des avions, des bateaux à partir du vodùn. Seulement, nos ancêtres n’avaient pas besoin d’aller sur la lune. »
Quand on sait que le monde n’est pas que visible et que beaucoup de choses peuvent se passer dans l’invisible grâce aux pouvoirs magiques que confèrent le vodùn, il y a de quoi ne pas sous-estimer la créativité béninoise. Sa Majesté Djomanmousso annonce une révolution qui pourrait rétablir un nouvel ordre sur le monde. « Moi je travaille de manière à ce que je puisse me rendre en France un jour sans prendre l’avion. Le jour où une telle invention sera réalité, le visa serait caduc, l’avion n’aurait plus de sens, un bus sera crucifié et un nouvel ordre du monde va se rétablir » a-t-il laissé entendre.
Apport des politiques
Sur le plan politique, il est déjà heureux de savoir qu’il y a une volonté manifeste autour de la promotion du vodùn. On cherche à donner aujourd’hui au vodùn une visibilité économique, médiatique à travers le monde. Pour preuve, le rapatriement de la France de 26 œuvres d’art du patrimoine culturel béninois. Sans oublier les nombreux projets annoncés dans le PAG qui feront du Bénin un haut lieu de pèlerinage autour du vodùn.
Une culture, un héritage, une philosophie, un art, un langage, le vodùn est une tradition primordiale béninoise. Et puisqu’on ne peut parler de développement sans culture, le vodùn est inévitablement la voie à suivre pour amorcer le développement du Bénin. Sans nul doute, l’organisation du colloque scientifique international 10 Janvier, et après ? est déjà un bon départ. Ce grand rassemblement entre scientifiques et garants de tradition béninoise est l’une des plus belles initiatives sur la pensée du vodùn au Bénin.