La légalisation de l’avortement à travers la loi No 2021-12 modifiant et complétant la loi 2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction en République du Bénin, a été une forte décision prise par les députés de la 8è législature. Cette nouvelle loi stipule désormais que le recours à l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) à la demande d’une femme enceinte peut être autorisé. Les conditions de déroulement de la pratique sont aussi bien définies par la nouvelle loi en vigueur. Malgré cet arsenal mis en place par le législateur, l’accès facile à l’avortement sécurisé peine à prendre et se trouve heurter à certaines valeurs socio-culturelles.
Au Bénin, la loi 2003-04 en son article 17 interdisait l’avortement avec toutefois trois exceptions : « lorsque la poursuite de la grossesse met en danger la vie et la santé de la femme enceinte ; À la demande de la femme lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol ou d’une relation incestueuse ; et lorsque l’enfant à naître présente une malformation congénitale ». Mais la loi No 2021-12 modifiant et complétant la loi 2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction en République du Bénin va plus loin avec une nouvelle disposition. Il s’agit de l’avortement qui peut se pratiquer jusqu’à douze semaines « lorsque la grossesse est susceptible d’aggraver ou d’occasionner une situation de détresse matérielle, éducationnelle, professionnelle ou morale ».
La loi de 2021, un véritable instrument de lutte contre les avortements clandestins.
Les statistiques de par le monde avec une rétrospection sur le Bénin, montrent que l’avortement était un dilemme. Selon une enquête mixte du ministère de la santé qui s’étend sur la période 2016 à 2020, il y a environ 12.200 avortements réalisés au Bénin. Des cas qui ont été notifiés officiellement sans compter les autres cas non déclarés.
« C’est pour montrer combien la situation est vraiment dramatique. Au lendemain du vote de cette loi, je peux vous dire qu’il ne se passe pas un seul jour où sans qu’on ait jusqu’à une dizaine de demandes dans cette seule clinique. Les gens se sentaient vraiment délivrer », a souligné le Docteur Serge Kitihoun, Directeur des services médicaux et paramédicaux à l’ABPF (Association Béninoise pour la Promotion de la Famille) à Sikècodji Cotonou.
Foncièrement contre l’avortement à ses débuts, Docteur Serge Kitihoun rend un témoignage.
Moi je ne faisais pas l’avortement mais je référais. Il a fallu qu’une bourse de trois personnes arrive au Bénin et on prend un du public et deux du privé. Et les deux du privé sont de l’ABPF. A un moment donné je me suis posé la question pourquoi le choix a été porté sur moi. Or à l’université, j’avais juste accepté cela pour avoir les notes et passer en année supérieure. Arrivé à la formation, on me nomme encore chef d’équipe et en rentrant au pays, le Professeur de Souza me mettait la pression pour que puisse offrir les services d’avortement.
Mais il a fallu un jour où une petite fille de mon quartier m’approcha mais n’a pas eu le courage de me dire je suis dans telle situation et j’ai besoin de votre aide. Elle me voyait nettoyer ma voiture mais finalement a fait demi-tour. Le lendemain après mes courses, je constate qu’il y a un grand attroupement devant leur maison. Par curiosité, je me rapproche pour en savoir davantage. C’est de là qu’on me dit que telle élève de la seconde est retrouvée morte baignant dans le sang. Cet évènement a bouleversé ma vie et cette valeur que je croyais incarner, c’est-à-dire anti-avorteur a changé et depuis ce jour je pratique l’avortement.
Objet de toutes sortes de critiques, Docteur Serge Kitihoun n’a pas abandonné sa cause.
Ici à l’ABPF par exemple, quand on parle d’avortement, j’étais pointé du doigt. Mais quand on a réellement commencé les activités et la sensibilisation, les gens ont commencé par avoir une nouvelle perception de la chose. Ceux-là même qui me pointaient du doigt, m’envoient parfois leurs copines. C’est pour dire qu’il faut aller au-delà de ses propres convictions et aider les gens qui sont dans le besoin à avoir accès aux services complets d’avortement.
Pour finir, Docteur Serge Kitihoun, Directeur des services médicaux et paramédicaux à l’ABPF (Association pour la Promotion de la Famille) à Sikècodji Cotonou, appelle les acteurs à divers niveaux à soutenir les actions, pour que l’effet que la loi sur l’avortement a créé au Bénin, puisse impacter les autres pays francophones. Ceci, pour permettre aux filles et aux femmes des autres pays d’avoir aussi accès aux services complets d’avortement.
Toutefois, certains pesanteurs sociologiques s’érigent toujours en obstacle et restent le défi majeur à relever en la matière.