Plusieurs acteurs politiques, universitaires et membres de la Société Civile ont pris part ce jeudi 13 juillet 2023 à la conférence sociale trimestrielle organisée par l’Institut des Artisans de Justice et de Paix (IAJP). Les assises ont eu lieu au Chant d’Oiseau à Cotonou sous la supervision du Directeur de cet Institut, le Père Éric Aguénounon. La thématique au cœur des échanges est « Promotion d’une démocratie au service du développement humain : Une question des droits humains» et a été animée par le Professeur de Droit Public à l’Université d’Abomey-Calavi, Philippe Noudjènoumè.
Les échanges de ce jeudi 13 juillet 2023 ont duré environ deux heures d’horloge où l’invité de l’IAJP a passé en revue les notions de démocratie, de développement et de droits humains, tout en faisant ressortir les probables liens entre elles.
Quid de la démocratie du point de vue holistique ?
Selon le professeur Philippe Noudjènoumè, la démocratie va au-delà de la célèbre définition d’Abraham Lincoln « le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ». Les réflexions les plus profondes en la matière sont l’œuvre de Saint Thomas d’Aquin qui définit plutôt la démocratie comme « un système de liberté où le citoyen agit de par sa propre intelligence, sans recevoir d’un autre la règle de ses actions, sans être arrêté par des obstacles matériels en vue de sa fin naturelle. La justice démocratique veut que tous participent aux honneurs et faveurs publics selon une égalité quantitative, non selon la dignité personnelle de chacun ou selon quelques proportions. Le pauvre doit y avoir part autant que le riche, l’ignorant autant que l’homme instruit ».
En résumé, la démocratie est un système qui donne plein pouvoir au peuple d’exprimer sa volonté. Des explications du professeur Philippe Noudjènoumè, il ressort que le seul véritable mécanisme qui permet de connaître la volonté du peuple sans se tromper est le principe de « majoritaire et de minoritaire ».
La démocratie souvent confondue avec ses voies d’expression ; le cas du Bénin évoqué
L’Afrique particulièrement est le terrain fertile où une confusion est entretenue autour de la démocratie et de ses voies d’expression, a fait remarquer à cette occasion le professeur Philippe Noudjènoumè. Il estime que la séparation des pouvoirs entre le judiciaire, le législatif et l’exécutif n’est qu’un « ridicule artifice pour couvrir un monolithisme autocratique ». Dans ce contexte précis, le professeur de Droit public a cité à cet effet en exemple le cas du Bénin où la séparation des pouvoirs n’est pas une réalité avec un système démocratique représentatif à bout de souffle.
Néanmoins, il fait savoir quand-même que la démocratie implique dans ses paramètres une grande dose de libertés, et par conséquent un terrain favorable à l’éclosion des initiatives individuelles et collectives ; donc par conséquent un grand déploiement des droits humains.
La démocratie et le développement ne font pas nécessairement bon ménage
« Le lien entre la démocratie politique le développement n’est pas automatique » a aussi précisé au cours de la rencontre le professeur Philippe Noudjènoumè. « En 90 les gens se faisaient des illusions pensant qu’une fois la démocratie installée, il y aura développement. Ce qui est faux » a poursuivi l’homme de Droit public. Pour donc arriver au développement, l’objectif à atteindre selon le conférencier est « la satisfaction des besoins sans cesse croissants des hommes ».
Il n’a pas manqué de citer quelques mesures à préconiser pour arriver au développement à travers la satisfaction des hommes. Il s’agit entre autres d’instaurer d’emblée les libertés d’expression et collective ; de régler le problème de la pauvreté et de la faim ; régler les problèmes d’injustices sociales ; assurer l’école obligatoire et gratuite par la subvention de l’Etat, le retour des exilés politiques et une loi d’amnistie en faveur des détenus politiques et le renforcement de la lutte contre le pillage et la corruption.

Le message d’espérance de l’IAJP
« Je n’ai pas la prétention de dire que le doyen Philippe Noudjènoumè a longtemps comme le prophète Jean-Baptiste prêché dans le désert. Mais la prédication dans le désert est le sommet de toute prédication », s’est exprimé le Directeur de l’IAJP, le Père Éric Aguénounon, qui se réjouit d’avoir assisté à un cours de haut vol écouté avec émotion, avec joie et grande espérance. « L’homme est la principale et l’homme devient ressource pour lui-même », a souligné le Directeur de l’IAJP en se référant au Saint Papa Jean-Paul II.
Il invite donc à cette racine de la démocratie, surtout en ces temps difficiles en Afrique « où une jeunesse militaire politique s’éveille, se réveille et voudrait assumer son destin ». Le Père Éric Aguénounon exhorte les décideurs à aller vers cette théologie de la démocratie « quand le peuple est affamé, quand des lettrés deviennent illettrés et quand le peuple analphabète est intelligent et aspire à l’alphabétisation ». Face donc aux grands défis de l’heure, le Père Éric Aguénounon invite pour finir à garder espoir et que le dialogue ne fasse point défaut en toutes circonstances.
Précisons que des cercles de réflexions seront organisés le 17 août 2023 prochain sous la conduite du recteur honoraire de l’UAC, le Professeur Maxime da Cruz autour du thème « Promotion d’une démocratie au service du développement humain : Une question des droits humains».