En Afrique, les jeunes ne considèrent pas l’agriculture comme un secteur rentable et bon nombre d’entre eux sont au chômage car, estiment-ils, il y a trop peu de possibilités de s’enrichir en étant agriculteurs. Contrairement à leurs parents et à leurs grands-parents, dont le travail dans les champs était souvent les principales occupations, pour la nouvelle génération, l’agriculture est synonyme de corvées et de pauvreté. Si dans les pays développés, les vrais opulents sont des paysans, en Afrique c’est tout un stéréotype qui est accroché à ceux qui embrassent le secteur.
Pourtant, le potentiel du secteur agricole pour l’Afrique est énorme. Au Bénin par exemple, l’agriculture est le premier secteur économique après celui des services. Sa contribution au PIB est d’environ 32%. En outre, elle participe à 75 % aux recettes d’exportation, à 15 % aux recettes de l’État et fournit environ 70 % des emplois. Elle contribue aussi et surtout à assurer la sécurité alimentaire du pays. Il en est de même pour presque tous les pays de l’Afrique Subsaharienne où le secteur agricole est le moteur de l’économie.
Ainsi, l’agriculture se présente à la fois comme une des principales solutions face au défi de l’emploi en Afrique et comme une activité qui ne parvient plus à attirer les jeunes. Constitue-t-elle vraiment une réponse au chômage des jeunes ? À quelles conditions ?
Agriculteur à Sékou, dans la commune d’Allada, département de l’Atlantique, au sud du Bénin, Monsieur Noubayé Hounkpossi est un haut conseiller de la République au Conseil Economique et Social. Très tôt confronté aux problèmes de chômage après ses études, il a su taillé sa carrière avec aplomb dans l’agriculture. Aujourd’hui, sa fortune fait de lui, un homme de grande renommée dans son milieu. Pourtant cette richesse est le fruit de la terre. « Les bénéfices de l’huile rouge seule, ont participé à plus de 20millions dans la construction de cet immeuble que vous voyez là (confie-t-il en indiquant du doigt un géant édifice implanté sur un domaine de plus d’un hectare) ». De quoi affirmer que la terre, source de richesse, est abandonnée.
Une diversité de production
La diversification de la production agricole offre une plus grande diversité alimentaire pour la consommation directe des ménages. Cependant, diversifier sa production en l’élargissant à un éventail de cultures plus large s’avère parfois un grand défi auquel nombre d’agriculteurs africains sont confrontés. La diversité des productions de Monsieur Noubayé Hounkpossi fait surtout de lui un agriculteur polyvalent. « Je produis du maïs, du manioc, de l’ananas. J’ai une plantation d’agrumes. J’ai un palmerais et une petite usine de transformation de noix de palme en huile rouge sans oublier l’élevage des moutons».
Difficultés d’intégration de marchés
La principale limite à l’essor de l’agriculture au sud du Bénin c’est la disponibilité des terres. Même avec une superficie de quarante hectares emblavés, monsieur Hounkpossi fait constamment face à cette difficulté qui n’est pourtant pas des moindres. « Le problème de l’agriculture au sud du Bénin ici c’est d’avoir d’abord les terres, c’est le diplôme d’un paysan. Moi j’emblave 40hectares actuellement et j’en cherche encore à acquérir sans succès» a-t-il laissé entendre.
Dans les pays africains, la production agricole à petite échelle est souvent insuffisante pour couvrir les besoins nutritionnels de base des ménages. Ainsi, les agriculteurs qui réussissent à produire un excédent qu’ils pourraient vendre peinent à trouver des débouchés à cause d’un piètre accès aux marchés. «Ensuite, c’est le problème de marché qui se pose à tous les niveaux » ; se désole le membre du conseil économique et social du Bénin.
‘’ Les jeunes qui s’accrochent aux diplômes ne connaissent pas la valeur de la terre… ‘’
Le potentiel de l’agriculture pour l’Afrique n’est plus à démontrer. Si les jeunes pouvaient travailler la terre et ainsi réduire les importations de denrées alimentaires, le secteur agricole pourrait générer des milliers de dollars pour les économies africaines. Selon le conseiller Noubayé, « quand vous êtes agriculteurs, vous ne manquez jamais de quoi vous nourrir ». C’est dire qu’embrasser le secteur agricole, c’est garantir l’autosuffisance alimentaire.
Par ailleurs, le paysan déplore que les jeunes de nos jours veuillent tous s’asseoir dans les administrations et délaissent la terre qui est « la source même de la richesse ». Pour nous en convaincre, le conseiller raconte, « si j’avais été retenu dans la fonction publique, je ne pourrai pas atteindre ce niveau de réalisation aujourd’hui même si mon salaire était à 500 milles francs ».
Aussi, pointe-t-il du doigt le fait qu’en voulant devenir des « cadres de l’administration », les jeunes, au fil des années sans grandes ressources, en arrivent à détourner les biens du pays « Les jeunes qui s’accrochent à leurs diplômes deviendront quoi ? Certainement des politiciens, tout le monde court vers la politique aujourd’hui afin de gruger les biens de l’État » regrette le sexagénaire.
Il est évident que l’entrepreneuriat agricole est une indispensable réponse aux problèmes de chômage des pays africains. Sa contribution à l’économie n’est pas négligeable. De ce fait, inciter les jeunes à embrasser la filière serait l’idéal non seulement pour assurer la sécurité alimentaire mais aussi pour l’épanouissement de la jeunesse.