Auteur : Serah Makka, directeur exécutif de ONE en Afrique, et Najat Vallaud-Belkacem, directrice de ONE en France.
Après le retrait des forces françaises du Mali et plus récemment du Burkina Faso et en réponse aux demandes – à juste titre – croissantes de ses alliés sahéliens et subsahariens, le président Macron a appelé à une nouvelle relation avec l’Afrique. Ce partenariat serait plus « équilibré, réciproque et responsable ». L’image de la France sur le continent africain est en déclin, notamment auprès de la jeunesse qui représente plus de 60% de la population du continent. Au-delà des questions militaires sur leur continent, les jeunes Africains ont raison d’être frustrés par la façon dont la France a récemment augmenté les frais d’inscription pour les étudiants étrangers ou par l’accueil différent réservé par l’Hexagone aux réfugiés ukrainiens par rapport à leurs compatriotes fuyant les guerres et les situations dangereuses. C’est donc dans un climat de méfiance croissante qu’Emmanuel Macron a entamé son 18e voyage en Afrique depuis sa première élection.
L’Afrique appelle à un partenariat équitable fondé sur le respect mutuel. Un partenariat à bénéfice mutuel où les deux partenaires sont satisfaits des résultats et des avantages de leur relation. Si le président Macron a détaillé le renouvellement de sa stratégie militaire, entamant une nouvelle ère, plus modeste, pour les troupes françaises en Afrique, il s’est relativement peu penché sur les aspects économiques, culturels, sociaux, sanitaires et écologiques. Ce sont des domaines que la France et l’Afrique doivent écrire, et peut-être réécrire ensemble.
Pour réaliser véritablement ce nouveau partenariat équitable, la France doit avant tout fonder cette relation renouvelée sur des échanges et des investissements plus efficaces, plus transparents et plus en phase avec les priorités africaines. Pour que ces priorités soient pleinement entendues, Paris doit avant tout continuer à soutenir l’accès de l’Afrique à la table des négociations sur la scène internationale, à commencer par l’intégration de l’Union africaine au G20, au même titre que l’Union européenne.
Pour véritablement parler en toute équité, la France doit également exiger une plus grande transparence dans les méthodologies appliquées par les agences de notation aux dettes des pays africains, afin de mettre fin au double standard en vigueur sur la perception des risques qui désavantage fortement les pays en voie de développement.
En rééquilibrant la répartition des ressources disponibles pour faire face aux crises climatiques, sanitaires et économiques qui ne connaissent pas de frontières, Emmanuel Macron doit également soutenir les réformes inévitables des banques multilatérales de développement, qui pourraient prêter jusqu’à 1 000 milliards de dollars de ressources supplémentaires aux pays à revenu faible et intermédiaire.
Et pour rester un interlocuteur crédible sur une scène internationale de plus en plus compétitive, la France doit commencer par réaliser enfin l’engagement historique de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’aide au développement, qui s’ajoutera aux ressources nationales et aux autres financements du développement nécessaires pour soutenir des secteurs sociaux essentiels tels que l’éducation ou la santé.
L’Afrique dispose de solutions pour répondre aux besoins climatiques de la planète grâce à ses minéraux verts. Toutefois, nous devons veiller à ce que les minéraux soient valorisés avant d’être exportés hors d’Afrique, afin que les populations africaines puissent également bénéficier du produit de leur propre sol.
En définitive, l’Afrique a toujours voulu être considérée comme un véritable partenaire tant sur le plan économique que sur celui des principes et des valeurs qu’elle défend. Le temps perdu par la France à faire la sourde oreille ne peut désormais être rattrapé que par un changement radical de méthode. L’Afrique n’attend pas de la France qu’elle résolve tous ses problèmes à sa place. Mais l’Afrique attend de la France qu’elle tienne ses engagements et qu’elle favorise des règles du jeu plus équitables dans la mondialisation, afin que l’Afrique et la France en bénéficient.