Le 20 novembre dernier, une jeune Guinéenne de 25ans, M’Mah Sylla est décédée à Tunis des suites de violences sexuelles dont elle a été victime de la part des médecins dans une clinique de Conakry. Dans le même temps au Sénégal, Ndèye Fatima Dione, Miss Sénégal 2020 dénonce le viol dont elle a fait objet lors d’un voyage organisé par le comité d’organisation de Miss Sénégal. Elle en serait même tombée enceinte selon ses propos de mi-novembre. Et quand cette situation n’inspire pas de compassion et des actes de répressions spontanés de la part des institutions compétentes, c’est la question d’une ‘’culture de viol’’ qui est posée au pays de l’hospitalité et pourquoi pas dans toute l’Afrique.
Le viol se définit logiquement par : « acte par lequel une personne en force une autre à avoir des relations sexuelles avec elle, par violence. » En Afrique cet acte résulte avant tout du système inégalitaire dans lequel nous vivons. Société patriarcale par excellence, le modèle africain place habituellement les femmes et les enfants sous la domination des hommes, sous leur autorité. Si en 1999, l’ONU a instauré le 25 novembre comme journée internationale consacrée aux violences faites aux femmes, force est de constater que l’existence de tout l’arsenal législatif qui entoure la question des violences en Afrique ne garantit pas forcément son application. Des cas de viols enregistrés çà et là sur le continent noir secouent l’opinion et remettent en cause la situation dans les pays.
Les faits
M’Mah Sylla ne verra plus jamais les siens, en tout cas, plus dans ce monde. Elle s’en est allée le 20 novembre dernier à 25ans laissant derrière, tout un peuple dans un émoi sans précédent. En effet, violée une première fois en Août passé par un médecin dans une clinique privée à Conakry, elle remarque un mois plus tard un début de grossesse. Logiquement, elle retourne l’en informer. Mais ce dernier, après l’avoir violée une deuxième fois, tente de l’avorter sans succès. Il la recommande à l’un de ses collègues médecins qui commet le même crime envers M’Mah Sylla. Des viols et des violences chirurgicales s’enchainent alors laissant la victime dans un très mauvais état de santé. A Tunis, M’Mah Sylla se rend finalement pour se faire soigner. Malheureusement, elle n’y survivra pas. L’affaire a déjà abouti à l’arrestation puis à l’inculpation d’au moins trois personnes.
Parallèlement, Ndèye Fatima Dione, lauréate du concours de beauté Miss Sénégal 2020, dénonce un viol dont elle est victime au cours d’un voyage organisé par le comité de Miss Sénégal. Elle en garderait même une grossesse. Mais jusque-là, aucune juridiction ne s’est encore prononcée sur le sujet.
Au Mali, une jeune adolescente a dénoncé tout récemment des violences sexuelles au sein de la fédération malienne de basket. Suite à sa déclaration, une enquête a été réalisée confirmant l’effectivité des faits et les autorités maliennes ont arrêté et inculpé Amadou Bamba, le principal entraineur de l’équipe de basket-ball nationale malienne féminine des moins de 18ans qui doit être jugé pour « pédophilie, tentative de viol et attentat à la pudeur ».
La liste n’est pas exhaustive, des actes de violences sexuelles se font enregistrés tous les jours dans les tribunaux africains. Et c’est tout naturellement sans compter le nombre de victimes qui n’ont pas assez de courage pour le dénoncer et qui en souffrent dans le silence.
Des victimes coupables ?
En Afrique, la dénonciation des cas de viols n’est pas forcément vue du bon œil. Celles qui en arrivent à franchir le seuil de timidité et extériorisent les faits, sont en retour exposées à des stigmates. En effet, la culpabilisation de la victime est un facteur important dans le processus de dénonciation. Généralement, on accuse la victime de provoquer elle-même le crime. D’ailleurs le cas du Sénégal en est illustratif « si on te viole, c’est que tu l’as cherché ». Voilà la réponse servie à Ndèye Fatima Dione par Amina Badiane quand la victime a dénoncé les faits. Présidente du comité d’organisation du concours Miss Sénégal, Amina Badiane embouche une trompette selon laquelle les femmes violées devraient s’interroger sur leur mode d’habillement et leur comportement. Une telle attitude encourage-t-elle le viol ou incrimine le violeur ?
En tout cas, Ndèye Fatima Dione, la victime, a très tôt lancé une pétition demandant la dissolution du comité organisateur du concours Miss Sénégal. Ladite pétition a déjà recueilli plus de 50.000 signatures. Et des associations féministes entrées dans la danse dénoncent par la même occasion une « apologie du viol ». Si on suppose que le viol n’est pas une pulsion sexuelle soudaine mais plutôt une décision réfléchie et préméditée d’agresser gravement, il est alors clair que le violeur aurait sciemment fait le choix d’imposer sa domination à l’autre et de le contraindre : d’où le crime. Le poids de la société très lourd, n’encourage par contre en rien le combat contre cette impunité mais plutôt cautionne l’acte qui devrait être fortement réprimé.
Conséquences du viol
Les premières conséquences du viol sont celles visibles, donc physiques. Les douleurs aigues, les blessures, la perforation hyménale et autres sont tout de suite remarquées. Sur le plan sanitaire, la fatigue intense, les maux de tête, les troubles digestifs et gynécologiques, les infections ou maladies sexuellement transmissibles sont autant de maux qui peuvent affecter la santé des individus à long terme. En outre, lors d’une agression sexuelle, la victime est paralysée par l’horreur de la situation. Cet état de chose génère une détresse psychologique immense et le niveau de stress ressenti augmente gravement. Les traumatismes, les confusions, la baisse de l’estime de soi, le sentiment de honte, le manque de confiance en soi…sont entre autres dispositions psychologiques dont souffrent les victimes du viol. Par ailleurs, l’isolement social, la rupture avec la famille, difficulté d’établissement d’une relation avec autrui, difficulté d’insertion professionnelle, les clichés, stigmates sont aussi des conséquences sociales d’un viol.
Il est vrai que le viol est reconnu comme un crime et puni dans tous les pays africains. Mais une chose favorise son expansion sur le continent : les pesanteurs sociales. Certes des efforts sont faits pour amener les victimes à se libérer mais des facteurs sociaux encore pèsent sur celles qui arrivent à brader les obstacles. Aucune statistique ne pourra préciser avec exactitude le nombre de victimes qui, à cause de la honte, ont dû se taire et qui gardent ce secret aux conséquences graves dans leur âme. Est-il vraiment opportun de condamner la violée ? ou le violeur qui commet le crime ? ou la société qui culpabilise la victime ? Chacun en juge selon son entendement.
Eliane FATCHINA