Les 26 trésors royaux restitués par la France sont exposés à la salle des fêtes et du peuple du palais présidentiel du Bénin. La cérémonie officielle de vernissage de l’exposition a eu lieu le 19 février dernier. C’est le chef de l’Etat, Patrice Talon lui-même qui a présidé les manifestations. Dénommée « Art du Bénin, d’hier et d’aujourd’hui : de la restitution à la révélation », ladite exposition se présente en deux volets.
En effet, dans un premier temps, l’espace de plus de 2000m2 transformé en musée de normes internationales offrant une promenade originale aux visiteurs, abrite les 26 œuvres d’art. Ces dernières sont réparties dans trois espaces distincts. L’espace des portes dites polychromes du royaume, des gigantesques trônes d’apparat des rois Ghézo et Glèlè ainsi que le Kataclè de Béhanzin dont l’emblème, représentée par un requin, est majestueusement dressé. Ensuite, nous avons l’espace des statues protectrices du Dahomey. Ces statues, toutes en position d’attaque, avec seulement une taille d’1m60, pèsent jusqu’à 220kg. Enfin, l’espace de l’artisanat d’art avec les emblématiques « asens ».
Aux côtés de ces œuvres royales, se trouve une centaine de pièces d’arts contemporains créés par 34 artistes béninois d’hier et d’aujourd’hui. Ainsi, les créations d’artistes de renom tels que Dominique Zinkpè, Julien Sinzogan, Yves Apollinaire Pédè, Ponce Zannou… y sont magnifiquement représentées.
Le passé et le présent s’entremêlent
A travers cette exposition diptyque, le passé et le présent s’entremêlent. C’est un symbole historique avec une double connotation : la volonté affichée de s’approprier à nouveau le passé. Et au-delà, la preuve que le pillage et la dépossession n’ont aucunement émoussé l’enthousiasme et la créativité artistique des béninois. Il s’agit donc de connecter les béninois à leur culture. Un coup de maitre qu’on peut déjà, sans risque de se tromper, mettre à l’actif de l’exécutif. Car des signes de vénération, de prosternation, de génuflexion que nous observons chez certains béninois devant les œuvres d’Abomey démontrent de la fierté du peuple de se retrouver en face des morceaux de l’âme des ancêtres revenus au pays. D’ailleurs, Jean-Michel Abimbola, ministre béninois de la Culture, a affirmé qu’en organisant cette exposition, « le gouvernement béninois, souhaite rendre au peuple béninois, une partie de son âme, de son histoire et de sa dignité ». L’un des visiteurs, sans prêter attention à notre micro, s’exclama. « Waouh ! on ne dirait pas que cela se passe au Bénin… »
Quand Patrice Talon révèle le Bénin aux béninois

« Il est là, le Bénin révélé ». Ainsi s’exprimait Patrice Talon lors de la cérémonie d’ouverture de l’exposition des œuvres d’art béninois. Une affirmation qui semble avoir tout son sens quand on remonte l’histoire jusqu’en 2016 où le chantre de la rupture présentait le programme de son mandat baptisé « Bénin Révélé ». En effet, on s’en doute aujourd’hui, le Bénin est dans un tournant décisif de son histoire avec une croissance solide, des investissements soutenus, un déficit et une dette maitrisés selon les experts. Cette révélation du pays se fait dans tous les secteurs d’activités. Dans le domaine de l’art, de la culture et du tourisme, de gigantesques projets sont entamés.
En effet, plusieurs sont ces béninois qui n’avaient jadis jamais entendu parlé de ces œuvres royales pillées par le colonisateur. On eût dit que c’est une histoire, toute nouvelle que le peuple a dû intégrer. Pourtant, ce fût un passage ou un combat déterminant, mémoriel et emblématique pour leurs ancêtres. Mais depuis son arrivée au pouvoir, le chantre de la rupture a mené les démarches nécessaires pour récupérer ce qui était volé au peuple : une histoire, un patrimoine, un mémoire. Patrice Talon a réussi à vaincre le tabou ; une première restitution de biens culturels en Afrique dont les échos ont retenti jusqu’aux extrémités du monde et qui fait la fierté des béninois. L’actuel locataire de la Marina s’est lui-même exprimé en ces termes : « … je m’efforce à ma manière de nous révéler le Bénin à nous-mêmes et aux autres. Voilà le Bénin révélé ! Il est là, le Bénin révélé ! (en indiquant du doigt la salle d’exposition) ».
Parler des trésors royaux ne fait forcément pas les mêmes effets que quand on se retrouve en face de ces morceaux qui datent d’au moins un siècle et qui conservent toujours l’esprit du passé glorieux de ces ancêtres. Talon lui-même dira : « …quand je me retrouve devant certaines œuvres, j’ai la chair de poule… ». C’est dire qu’une petite visite pour contempler ces œuvres ne laisse aucun béninois indifférent. Par ailleurs, l’exposition est aussi le signe de ce que le Bénin est un pays de culture par excellence, et ceci à travers des générations. Avec le caractère sacré de ces œuvres, aucun discours ne pourrait exprimer avec exactitude ce que l’on ressent. « Devant une telle grandeur de notre passé et tant de génie de notre présent, et une telle certitude de ce que nous serons demain, il n’y a aucun mot, aucun propos qui vaille… Je vibre d’émotion, de fierté et de foi en ce que nous fûmes, en ce que nous sommes et en ce que nous serons » confiait le chef de l’Etat.
La culture, vecteur de l’unité nationale

Patrice Talon, osons le dire, étant l’instigateur du Bénin révélé marque du coup, un point dans le cœur non seulement des populations mais aussi dans le rang de ces opposants politiques. En effet, la présence de certains de ses antagonistes politiques tels que l’ex président Nicéphore Soglo et son challenger de 2016 Lionel Zinsou est assez illustrative. Ainsi, Soglo est connu pour son discours acerbe à l’endroit de la gouvernance Talon. Depuis 2016, on ne l’a pas encore vu aux côtés de son cadet et parlant presque le même langage. Le voir à la cérémonie d’exposition démontre de ce que la culture est un facteur de décrispation politique.
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En outre, l’autre présence qui fait penser à la concorde nationale est celle de l’ancien premier ministre du président Boni Yayi. Lionel Zinsou, était aussi au palais de la Marina, aux côtés de son challenger de 2016 pour admirer la grandeur de ces œuvres et honorer la mémoire de ses ancêtres. Condamné à trois ans d’inéligibilité et en exil depuis lors, sa présence pourrait être une main tendue de l’actuel locataire de la Marina pour la réconciliation et la paix. « Comme il l’a promis dans son slogan de campagne, il a révélé le Bénin » s’est empressé de lâcher Lionel Zinsou en félicitant le chef de l’Etat avant d’ajouter que l’exposition dépasse l’opposition. Comme pour dire en d’autres termes, ce qui nous lie, dépasse ce qui nous divise. « Quand il y a un événement qui vous dépasse, comme celui-ci, c’est au-dessus de toute controverse politique. L’amour de l’art de la patrie, c’est au-dessus de toutes les querelles », a déclaré l’ancien premier ministre.
En dehors de la culture, seul un match de football gagné par les Ecureuils du Bénin peut réunir autant les différents opposants politiques autour d’une même cause. Du reste, le ministre de la culture Jean-Michel Abimbola a indiqué que l’objectif du gouvernement béninois était de faire de cette exposition « le ferment de l’unité nationale ».
Une scénographie artistique contemporaine vitale
Pour rappel, l’exécutif vise aussi la promotion de nouveaux talents artistiques béninois à l’échelle internationale. Une exposition d’œuvres contemporaines se trouve aussi dans les rayons de la présidence pour montrer que le génie artistique béninois a perduré, malgré la dépossession d’une partie de son patrimoine. Les tapisseries monumentales d’Yves Appollinaire Pèdé qui revalorisent le vodùn, l’installation réalisée à partir de cheveux de Dimitri Fagbohoun, les robots afro-futuristes d’Emo de Medeiros et les peintures monumentales et colorées de Moufouli Bello, montrent la vivacité artistique de la scène contemporaine béninoise.
On peut l’affirmer, l’exposition a déjà connu un succès. Des milliers de béninois ont déjà franchi les grilles du palais présidentiel. Jusqu’au 22 mai 2022, le palais de la Marina ouvre ses portes pour une expérience unique d’exposition des trésors royaux restitués et des œuvres contemporaines du Bénin. Il ne vous reste qu’à visiter trois siècles d’histoire de l’Art du Bénin à travers un parcours muséal inédit.